8 mars – et si les femmes s’arrêtent…

Le 8 mars a été désigné « journée des droits des femmes » par l’Organisation des Nations Unies, en 1977 : c’est l’occasion, annuellement, de faire un bilan de la condition des femmes à travers le monde et de cibler les inégalités qui perdurent. Cette année, à l’initiative du « Collecti.e.f 8 maars », une grève des femmes se prépare en Belgique : les femmes sont appelées à suspendre leurs activités et à (se) manifester pour dénoncer les injustices et revendiquer leurs droits.

Cette mobilisation dépasse les frontières nationales, socio-économiques, professionnelles, culturelles et générationnelles : cette grève concerne toutes les femmes, dans la diversité de leurs activités. Il s’agit de marquer que les femmes occupent une place cruciale, au travail et au sein des familles, dans la rue, dans les lieux d’éducation, aux plus hautes fonctions comme auprès des membres plus vulnérables de notre société.

En Belgique, pareil événement pourrait paraître dépassé : notre Constitution garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, les textes légaux ne peuvent plus être discriminatoires et le droit semble neutre. Pourtant, le droit et une certaine pratique du droit créent ou perpétuent des inégalités : au quotidien, les violences envers les femmes perdurent dans notre pays – qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques, économiques, morales ou symboliques. Ces violences se traduisent par un risque d’agression mais, aussi, par une dépréciation générale du rôle dévolu aux femmes : elles assument toujours la plupart des tâches domestiques (souvent seules, presque toujours davantage que leur conjoint) voire demeurent cantonnées à la sphère domestique, sur la base d’un choix qualifié de libre ; elles sont tenues à l’écart des sphères d’influence publique ; elles voient leur compétence davantage questionnée que celle de leurs homologues masculins, alors même qu’elles ont majoritairement suivi des formations plus avancées que celles des hommes ; à travail égal, elles sont moins bien rémunérées que leurs homologues masculins et rencontrent davantage d’obstacles, invisibles ou non, à l’évolution de leur carrière ; elles courent davantage de risques quant à la pauvreté, selon tous les indicateurs en la matière : elles vivent majoritairement dans une plus grande précarité que les hommes.

Les chiffres et les pratiques à ce sujet concordent, en Belgique comme ailleurs : l’égalité n’est pas un fait.

A partir de notre pratique, nous pensons notamment aux mères célibataires, seules avec leurs enfants, que le CPAS refuse d’aider parce qu’elles ne sont pas suffisamment disponibles sur le marché de l’emploi ; aux femmes qui entrent en médiation familiale avec un ex-conjoint violent ; à celles qui portent plainte pour viol ou violences conjugales et voient leurs plaintes classées sans suite, quand elles sont enregistrées ; aux femmes étrangères qui préfèrent céder devant les violences de leur conjoint plutôt que de courir le risque de perdre leur titre de séjour en se mettant à l’abri des coups ; à celles qui sont renvoyées dans le pays qu’elles avaient fui pour éviter un mariage forcé ou une excision, après avoir enduré l’esclavage sexuel sur le chemin de l’exil, parce que leur demande ne repose pas sur un motif jugé suffisant ; aux femmes qui sont contraintes de quitter la résidence conjugale désertée par leur conjoint car le propriétaire refuse de les avoir comme seules locataires ; aux avocates qui s’entendent dire qu’il faut se débrouiller avec le harcèlement et le sexisme pour faire carrière au barreau ; aux jeunes femmes qui, malgré leur talent et leur travail, ont déjà moins de perspectives que les jeunes hommes ; etc.

Aujourd’hui, nous avons toutes et tous tendance à considérer que c’est là l’ordre naturel des choses – parce que « tout va mieux qu’avant » et que les hommes et les femmes sont différents.
Les acquis ne marquent pourtant pas la fin du progrès. Ils ne cessent d’ailleurs d’être mis en péril. Et ils ne sont pas encore traduits dans les faits.
La différence n’est pas et ne peut pas être synonyme d’inégalité.

Si les femmes suspendent leurs activités, la société s’arrête.
Alors montrons la place qui est la leur. Prenons-la. Donnons-la à toutes les femmes.
Le mouvement peut porter ses fruits, à l’instar du soulèvement des femmes en Espagne en 2018.

Nous avons choisi le droit pour lutter contre les violences envers les femmes, promouvoir leurs droits et contribuer à l’instauration d’une égalité réelle. Notre association rejoint le mouvement du 8 mars pour marquer sa solidarité avec toutes les femmes, y compris celles pour qui une mobilisation n’est pas possible.

Il est important pour nous de rappeler que les inégalités frappent aussi les femmes juristes. Bien que majoritaires parmi les étudiantes et les plus jeunes praticiennes du droit, elles sont minoritaires aux plus hautes fonctions et leur progression professionnelle est entravée par divers obstacles liés à leur genre – par exemple, les avocates gagnent en moyenne la moitié des revenus perçus par leurs homologues masculins et, contrairement aux jeunes pères, quittent massivement la profession à l’âge où l’articulation entre avocature et vie familiale devient difficile.
Il ne s’agit donc pas seulement, pour les femmes juristes, d’être solidaires avec d’autres femmes moins favorisées : il s’agit aussi d’assumer, le 8 mars notamment, que les inégalités frappent aussi les milieux juridiques – qu’il s’agisse de violences physiques et sexuelles, économiques, psychologiques, morales ou symboliques, les inégalités existent et peuvent être combattues.

Outre par la grève de celles qui le veulent et le peuvent (au travail ou pour les « tâches du quotidien »), le soutien à ce mouvement peut aussi passer par un temps d’arrêt au début d’une réunion ou d’une audience, le port d’un signe distinctif, un mot sur le mouvement ou un geste aux femmes de notre entourage à tous et toutes.

Nous serons présentes au Palais de Justice, avant les audiences du matin, pour une action de sensibilisation et un moment d’échange avec celles et ceux qui le désirent. Rendez-vous vers 8h15 devant le bâtiment Montesquieu.

Que celles et ceux qui le peuvent répondent à l’appel du « Collecti.e.f 8 ma.a.rs » et rallient la Gare Centrale à 17 heures, pour visibiliser leur sensibilisation ou leur mobilisation – plus d’info sur le site du Collecti.e.f : https://8maars.wordpress.com/agenda/

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Au plaisir de vous retrouver, le 13 octobre à 17h !
Fem&LAW