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La « disponibilité » des femmes

Il est des occasions qu’on aimerait manquer. Par exemple, celle d’avoir à communiquer à propos d’une critique infondée et injuste qu’un journaliste a adressée à notre association, par voie de presse. Ou alors celle d’apprendre avec un léger retard (nous ne sommes pas abonnées à Moustique) mais en date du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, qu’un homme a senti la nécessité de nous étriller publiquement, sur la base de griefs imaginaires. Ou alors celle de faire l’objet, pour la première fois à notre connaissance, de propos mensongers dans la presse. Combo gagnant.

 

Gauthier De Bock écrit ceci, dans le Moustique daté du 2 mars dernier : « Cette bonne nouvelle – qui serait enfin peut-être le signe d’un réel changement de paradigme vis-à-vis de la considération de la femme -, on aurait voulu la confronter. En rapportant la parole de Me Wiard à Fem&LAW, une ASBL de juristes féministes créée à Bruxelles en 2017, l’année de naissance de #MeToo, le mouvement social encourageant la prise de parole des femmes au sujet du viol et des agressions sexuelles. A priori, cette association aurait eu des précisions à apporter. Confirmation ? Dénégation ? #MeToo a-t-il été un catalyseur ou un feu de paille médiatique ? Sauf que nos quatre mails envoyés, le fait qu’on nous a répondu (en signant “Bien féministement”) que malheureusement aucun des membres n’était “disponible” et le fait qu’une collègue féminine ait eu plus de chance que nous nous laissent perplexe. Trente-trois minutes pour vérifier qu’aucun des 60 membres d’une ASBL ne peut nous accorder un entretien, c’est peu. C’est rapide. Et c’est dommage… »

 

On indiquera d’abord à ce journaliste que notre association a été créée en 2017, certes, mais que ce n’est pas là « l’année de naissance du mouvement #metoo » : peut-être a-t-il tardé à prendre conscience de son importance mais ce mouvement date de 2007. Dans un article intitulé « Quels progrès depuis #metoo ? », une erreur factuelle de cette ampleur, ça tache. A dix ans près, l’analyse des perspectives en question en sort un peu… fragilisée, disons.

 

Si c’est la plus grave, ce n’est pas la seule inexactitude grevant ce texte : le récit que fait Monsieur De Bock de nos échanges avec lui est pour le moins biaisé. Il nous a sollicitées par email, le 22 février, juste avant 17h, en nous indiquant qu’il préparait un article sur « les progrès réalisés en matière d’égalité F/H des droits, une perpective historique (100 ans de féminisation du barreau), les problèmes éventuels de harcèlement au sein du barreau, tout autre problématique que vous voudriez mettre en avant » (sic). Nous lui avons répondu une demi-heure plus tard, en lui indiquant que l’une de nos membres était déjà en contact avec l’une de ses collègues, pour le même numéro de Moustique. Comme il nous a précisé presqu’immédiatement que leurs deux articles n’avaient pas le même objet, nous avons cherché qui, parmi nos membres, pourrait répondre à ses questions. Le lendemain matin, il nous a écrit pour réitérer sa demande et, moins d’une heure plus tard, nous avons dû lui faire savoir qu’hélas, aucune de nous n’était disponible – non sans le réorienter, adresse email à l’appui, vers la directrice d’une autre association féministe qui nous semblait constituer un contact de grande qualité. Il nous a remerciées. Au temps donc pour ses déplaisantes insinuations : Monsieur De Bock ne nous a pas « rapporté la parole de Me Wiard » (à laquelle nous aurions pu réagir par écrit, s’il l’avait fait), il a reçu une réponse à tous ses courriers, nous n’avons pas vérifié notre disponibilité « en trente-trois minutes » et rien dans nos propos ne permet d’imaginer que nous ne répondons qu’aux journalistes féminines. Si nous pourrions bien être inspirées par l’idée qu’il nous souffle de discriminer positivement, un jour par an (le 8 mars ?), les journalistes femmes qui, comme dans tous les domaines, peinent à parvenir à une égalité effective avec leurs homologues masculins, un rapide tour d’horizon de nos interventions passées dément que nous ayons pu le discriminer parce qu’il est un homme. Sauf que c’est bien ce que ce monsieur laisse entendre.

 

Sans doute monsieur De Bock a-t-il été piqué que nous ne soyons pas disponibles pour lui répondre. Notre cœur balance entre l’inquiétude (pour la pauvreté de son réseau) et la flatterie (d’être considérées comme irremplaçables) en constatant qu’il n’a pu trouver aucune autre personne ou association qui puisse nuancer – comme il se doit – l’idée qu’il n’y aurait plus, aujourd’hui, de distinction entre les hommes et les femmes, en tant que justiciables. Hélas, comme sont encore forcées de le constater les centaines de femmes et les dizaines d’associations qui communiquent et manifestent aujourd’hui, le traitement judiciaire des infractions sexuelles est encore problématique à divers égards.

 

Sans doute monsieur De Bock ne mesure-t-il pas ce qu’implique l’action d’une association qui ne dispose d’aucune subvention et est composée exclusivement de bénévoles, toutes actives professionnellement par ailleurs. Qu’il ait reçu une réponse à ses courriers relève du tour de force. Les guillemets qu’il met à notre absence de « disponibilité » sont du plus mauvais goût.

 

« Quels progrès depuis #metoo ? ». Trop peu encore : il demeure visiblement des hommes qui se croient tout permis, en ce compris d’exiger la complète « disponibilité » de femmes et de tempêter lorsque, effrontées, elles ne les servent pas comme ils l’entendent.

 

« Bien féministement », oui, aux journalistes qui vérifient les faits (à dix ans près), rendent honnêtement compte de la réalité et ont conscience de la responsabilité qui est celle des médias. Nous espérons que la rédaction de Moustique aura à cœur de rectifier le tir, à notre sujet et en général, afin de prendre place parmi celles et ceux qui, au quotidien, luttent pour que, comme les hommes, les femmes soient entendues.

 

 

 

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